C'est l'incompréhension, l’appréhension face à ton appréciation de la situation. Tes camarades de classe ne te comprennent pas. L'enseignant appréhende ta réaction alors il t'ordonne de sortir. Sortir le problème. Tu as pris tes affaires, tu as à faire. Il change d'avis, il te donne l'ordre de revenir.
Comme ils te regardent tous, tu regardes les élèves un à un, tour à tour, jusqu'à ta place vide. Vite, l'adulte t'incite à faire plus vite. Tu fais, tu attrapes la chaise par le dossier. Tu traînes, tes pieds comme les siens traînent contre le sol. Du sol au plafond résonne un son strident. Les dents grincent comme la craie qui se brise contre le tableau. Quelque chose se casse. Dans l'écho bruyant, tu donnes un coup violent dans le siège. Le professeur est à terre, son autorité brisée en deux comme le calcaire blanc entre ses doigts.
Ta journée d'école s'arrête aujourd'hui, tu n'as que quinze ans.

C'est l'impatience dans le silence. Enfermé pour mieux te contrôler, le contrôleur feint la patience. Il faut que tu passes un contrôle, il te dit qu'il est là pour t'aider. Aide non proposée, aide imposée. Période test pour t'aider à t’insérer. En rangs serrés, retourner à l'école, apprendre ce qu'on te dit, faire ce qu'on te dit, comparer et te comparer aux autres en quête d'excellence. Exceller, avoir un diplôme. Excellent, c'est tout ce que tu ne veux pas.
Tu n'ira pas.
Il poursuit le schéma. Le dessin de ta vie. Il dessine tes envies. Schématise le chemin où va te mener ce dont tu as envie.
Tu veux juste être en vie.
Tu viens d'avoir seize ans.

Une quinzième fois tu vas faire le mur. Tes professeurs vont s’inquiéter pour toi, partager leur inquiétudes avec tes parents. Paternels désemparés. Tu assumes tes rêves, leurs rêves, tous les rêves de liberté.
Une seizième fois tu vas faire le mur.
Un responsable de l'éducation va voir tes tuteurs. Ils vont s'assurer que t'aille en cours. Tu seras libre plus tard. Tard, quand tu auras un emploi et un toit. Et un toi, un peu d'elle, avec elle. Ils ne comprennent pas. Ils vont tailler leur route et s'en référer aux hautes autorités. Tu vas assumer, te reprendre jusqu'à prendre la route des pavés. Encore. Et le responsable de l'éducation va revenir encore. Venir, trouver le problème. Pour toi le problème c'est qu'il n'y a pas de problème. Il va chercher du côté du tribunal, problème d'absentéisme. Tu dois aller en cours trois semaines de suite, période test.
Contrôle. C'est ici que nous en sommes.
Tu as encore seize ans.

Un troisième jour à étudier. Il n'y en aura pas un quatrième.
La maison de correction, la solution la plus correcte. Ils écrivent ce qu'ils pensent de toi. Il faut corriger ce qui ne va pas mais toi tu ne sauras jamais ce qui se dit à ton propos. Propos confinés dans un dossier scellé. C'est pas honnête, ils sont tous malhonnêtes. Ils ne sont pas violent, c'est toi qui est violent. C'est de la violence de brûler ton dossier d'admission. Pour ce fait, tu l'admets à moitié mais aujourd'hui tu n'y retournera pas.
Tu pars, tu enfonces tous les murs, toutes les portes fermées.
Tu n'as plus seize ans.


Aujourd'hui, tu débarques à Geoju, seul mais accompagné de ta chienne. La meilleure amie de l'homme que tu es. Loin d'un passé fait de squats, de violences et de passions.
Vingt cinq ans déjà, d’errances et d’itinérances.