T’attendais quelqu’un à la porte de sortie de service de la station essence à deux pas de ton garage. Fumant une clope en attendant, tu répondais à tes messages, principalement ceux de ta chérie. Mais ce n’était pas elle que t’attendais, c’était quelqu’un d’autre. Un étrange personnage pour la plupart, aux antipodes de la société. Si toi, tu te trouvais borderline, lui était vraiment outside. Ji Ho, était un de tes amis que tu pouvais considérer comme proche. Même si vous étiez différents, votre comportement à la normale se ressemblait et tu ne le voyais pas négativement. Ce soir, t’avais envie d’aller boire un verre, décompresser et parler de trucs que vous seuls pouviez parler, puisque votre situation professionnelle se côtoyait tous les jours. Ton téléphone vibre encore, c’est un de tes amis qui t’indique le bar où vous vous retrouverez dès que JiHo aura pointé le bout de son nez.
D’ailleurs, quand il sort, tu te décales du mur afin qu’il te voit. Tu le salue d’une accolade avant de dire « T’es prêt ? ». En général, il fallait pas grand chose pour que vous vous amusiez. De l’alcool, la clope, et…C’était tout. Tes amis de départ trouvait Ji Ho plus effrayant que toi, mais maintenant que le courant était passé, vous aimiez faire des réunions improvisées, boire jusqu’à en avoir la tête déglinguée comme vos poumons à force d’avoir trop fumé. Comme c’était galère d’y aller en bagnole à cette heure-ci, t’avais préféré y aller à pieds, et en métro. Ce n’était pas si loin quand tu regardais, mais une vingtaine de minutes à pieds pour ensuite marcher pendant dix minutes parmi la foule, c’était trop long. Au moins quand vous sortiriez de la ligne, vous y serez en moins de deux. « La journée ? ». C’était un rituel de se raconter un peu ce qu’il se passait, même si à vos nombreuses pauses clopes, vous voyez dix minutes le temps de relâcher la pression et même dire ce qui n’allait pas. Entre autre, tu rigolais bien avec Ji Ho. Et t’étais content de pouvoir faire une soirée, même si la dernière remontais à pas longtemps, genre une semaine. T’étais pas un fêtard dans l’âme. D’ailleurs, aller en boîte, ça te gave, t’aime pas ça. Tu préfères encore te saouler comme un bienheureux dans un bar quelconque avec tes potes plutôt que d’avoir peur de finir dans un endroit saugrenue avec une personne douteuse. T’aurais trop été dégoûté, et même, maintenant que ta copine était revenue, t’allais pas faire d’écarts. JiHo était là pour veiller au grain.

Un boulot dans une station service, tu aurais pu trouver mieux comme tu aurais pu trouver pire. Mais plus que tout, tu aurais pu ne pas trouver du tout. Tu es de ceux qui ne veulent pas travailler. Non pas pour une question de flemme mais pour une question de convictions. Ta réponse plutôt que ne pas travailler du tout se serait plutôt travailler autrement. Des réponses tu en as des tas, et tes prises de position sur le monde salarié, quel grand questionnement. Aussi grand que s'ouvrent les yeux des personnes qui te côtoient quand ta bouche s'ouvre sur ce sujet qui te tiens à cœur. En attendant, tu es bel et bien là debout derrière ce comptoir de caisse à encaisser les paiements de chaque personne venue faire le plein. De chaque personne venue pour polluer toujours un peu plus l'air. Toi dans une station essence que c'est ironique. Tu dis bonjour, tu remercies, au revoir, tu fais comme si de rien était. Tu bloques tes pensées, tu laisses le temps passer. Tu sais qu'après tu auras tout le temps d'être toi même. (tu as une soirée de prévue) Parce que même si tu ne te plie pour rien ni personne tu t'es quand même obligé à jouer un rôle quand tu as signé ton contrat. Heureusement pour toi, tu as rencontré un collègue, devenu un ami, avec qui tu peux parler de tout ça. Ça, votre situation professionnellement mais pas seulement, tu peux parler de beaucoup plus que ça. Et les nombreuses cigarettes parties en fumées, les verres vidés remplis et re vidés en sont les preuves. Les témoignages de l'amitié proche qui vous rapproche. Tu regardes l'horloge accrochée au mur, Ce n'est pas encore l'heure (presque) mais tu décides que si. C'est l'heure. Tu quittes ton poste. Tu sors, tu as mieux à faire. Riok est là, d'une accolade vous vous saluez. « Toujours prêt. » Que tu réponds simplement, un sourire en coin accompagne tes mots sur tes lèvres. « Longue journée. J'ai encore vu le même gars qui vient à la caisse rager sur les prix. Je crois qu'il a toujours pas compris que celui qui les fixe c'est pas moi. » Le ton de ta voix reste neutre, cet homme là ne te fais ni chaud ni froid. Les gens comme lui qui ne sont pas dans le besoin mais se comportent comme tel, ils te désespèrent. « Et la tienne de journée ? » Demande-tu le temps d'arriver au métro. Au métro c'est toujours la même histoire, tu ne payes pas, tu fraudes. (payer le droit de circuler dans une ville qui n'appartient à personne, très peu pour toi). Reste plus qu'à croiser les doigts pour ne pas te faire prendre. (quoi qu'au pire tu sais quand même comment t'en sortir) décidément, ce premier verre tu vas le savourer.