La journée, les écoliers. Les jupes volantes, les cravates défaites des jeunes étudiants en uniforme dans les rues désertées par les adultes fatigués par les voix fluettes qui se cassent contre leurs fenêtres fermées. Ils se dispersent dans les rues, vaquent à leurs occupations extra-scolaire (danse, taekwondo, boxe). La soirée, les lumières des bars aux couleurs ambrées s’allument, prêts à recevoir les premiers clients recalés par le stadium. Puis vient le temps des matchs de baseball, de cricket, de football ou soccer. Espace de loisir, s’y sont installé de modestes établissements prêts à offrir des services pour des prix accessibles à tous –et une qualité médiocre. Rarement, se produisent des stars de renommées –en effet, on préfère généralement la salle de concert immense qui se trouve sur l’ilette d’Oshioyong, question de sécurité.
Pour une valse infinie, loups et agneaux se retrouvent à la tombée de la nuit dans les rues de Dongchon afin de souffrir un peu plus leur existence. Les lumières y restent souvent éteintes, faute de main d’œuvre pour changer les lampes usées et ces ténèbres font le décor parfait pour les démons qui s’y cachent et ne sortent qu’une fois les lumières du jour dévorées par la nocturne amante. Prostitution, guerres de gangs, trafic d’armes et de drogues ; il s’agit du sale boulot de Geoju, parce qu’il faut bien fournir ces chercheurs de sensations qui pullulent dans les quartiers riches comme pauvres. Les mains sales, ils ont ; mais ne faut-il pas nourrir la famille, la rendre heureuse par tous les moyens ? Pour certains, il s’agit d’un terrain de jeu dangereux ; pour d’autre, c’est une guerre dont ils sont les soldats traînés de force dans cette boue épaisse. Bienvenue dans les rues sombres de Geoju.
Se mêlent dans les rues les accents étrangers venus d’ailleurs voisins. Se mêlent les odeurs des restaurants exotiques aux ingrédients secrets pour faire voyager quiconque s’y aventure. On l’appelle petite Tokyo mais ils viennent aussi du Vietnam, de Chine, du Tibet, du Népal et d’ailleurs. Le quartier s’est taillé une réputation plus générale de quartier d'immigrés et on y retrouve tous ceux qui habitent leurs boutiques et restaurants, ceux qui ont l’accent qui dérange, ceux qu’on admire ou déteste.
Les vitrines vomissent leurs sacs de nourriture aux prix imbattables et chacun s’y précipite, les gamins accrochés aux chariots croulants sous le poids des marchandises qu’on y a chargé. Ici, on retrouve des grandes surfaces de type hypermarché à l’américaine où l’on peut trouver de tout en quantité. En face, on retrouve les effigies de la grande distribution en matière de bricolage, jardinage, vêtements, mobilier … sans exception. Tout à bas prix et en quantité, avec un contrôle de la qualité qui laisse encore à désirer. Grise et malodorante, la zone n’est que peu appréciée bien que nécessaire aux habitants de Geoju.
Gujeong est une zone industrialo-artisanale se composant principalement d’entrepôts. Des cargos y sont déchargés, on retrouve notamment grand nombre d’entreprises de plombiers, maçons et autres travaux d’artisanat. Trop souvent oubliée, elle fait tâche dans le décor de Geoju –comme 50% du quartier de Yangsu lui-même. Un abattoir caché dans un entrepôt a été exposé il y a peu par des militants vegan ainsi qu’un des plus gros trafics de chiots de race (chiots entassés dans des cages, beaucoup de pertes, animaux traumatisés à vie pour être revendus à des prix insolites).
Slalom entre les HLM ; voilà à quoi se résume la zone résidentielle de Yangsu. Des appartements accueillant des familles trop grandes, des maisons mitoyennes construites trop vite, des parcs détériorés, des cités aux rues peuplées d’adolescent en perdition. Et les parents qui ne savent plus quoi faire pour éloigner leurs gosses perdus des autres gosses perdus. Une machine infernale que le quartier pauvre de Geoju s’efforce de briser, avec ou sans succès. Et sans cesse on accuse cette portion pourrie de gangréner le reste d’une ville respectable, d’où les mini-révolutions contre cette société incompréhensive.